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1492, Adrian Biddle, Aliens, débouchage, HMI, James Cameron, Jan DeBont, Janusz Kaminski, John Schwarztman, température de couleur
Adrian Biddle (1952-2005), véritable chef de file et précurseur du cinéma hollywoodien actuel. Sa spécialité : la fumée, et le projecteur en contre jour qui l’accompagne immanquablement. Travaillant très loin de « l’école naturaliste », Biddle s’applique à récréer des ambiances de toute pièce (d’où son incursion régulière dans le domaine de la science-fiction), usant d’effets visuels marqués : fumée et contre-jour (quasiment tous les plans ci-dessous), eau, pluie, les filtres dégradés (en particulier sur 1492), les éclairages colorés (jaune/bleu/vert/rouge de Aliens, orangés de 1492), sources de lumières omniprésentes dans le champ (effet particulièrement prisé depuis la fin des années 70. Voire Janusz Kaminski, John Schwartzman ou Jan DeBont), utilisation systématique d’éclairages aux tubes fluorescents (lumière neutre et diffuse).
S’il fallait lui choisir une marque de fabrique, ce serait cette image brumeuse striée de rais de lumière, avec l’arrière plan surexposé, produite par l’utilisation systématique de fumée pour matérialiser la lumière à l’image.
Aliens le retour
James Cameron (1986)
1.
Plan typique de Biddle, contre jour avec projecteur dans le champ et fumée pour bien tracer les rais de lumière et surexposer complètement le fond, utilisation de lumière dans le cadre (intra-diégétique), en l’occurrence ici un faisceau laser. Et une dominante bleue caractéristique de son travail, souvent obtenue en ne filtrant pas des projecteurs HMI (dont la caractéristique est de produire une lumière à température de couleur dite extérieure – soleil – en opposition avec la température de couleur intérieure – lampes à incandescence).
2.
Outre la découverte derrière la fenêtre (fond vert), l’éclairage est ici assez simple, latéral légèrement 3/4 (pas loin du contre jour) avec débouchage pour bien voir les détails en gardant tout de même un peu de contraste. L’idée est de créer un éclairage cohérent avec le fait que le personnage se réveille (ambiance matin ou fin de nuit) dans un environnement où il n’y a normalement aucune raison d’avoir des repères temporels lumineux (On est dans l’espace…).
3.
éclairage latéral venant de la droite, assez dur mais débouchage prononcé sur Ripley (toute la partie gauche de son visage devrait être plongée dans le noir). Ce choix est bien entendu fait pour laisser le jeu de la comédienne au centre du plan.
4.
Autre exemple de plan typique de Biddle, refait des milliers de fois depuis : l’abondance de sources dans le champ (tubes fluos, lampes portatives des Marines, gyrophare rouge au plafond), l’utilisation constante et systématique de fumée (on voit nettement le halo autour de la lampe portative du Marine de droite). Le décor est éclairé de partout, très peu de zones d’ombre. L’idée centrale est de mettre en valeur le décor, de dynamiser le tout avec des points d’accroche pour l’oeil (spots et tubes fluos) et de garder des lumières en mouvement dans l’image (les spots portatifs). La lumière reste rarement figée chez Biddle.
5.
De la même façon sur les gros plans, on ne laisse pas un visage dans le noir. La direction principale de lumière vient de la droite, légèrement en contre jour, mais le reste du visage est nettement éclairé par un projecteur de débouchage situé à gauche cadre.
6.
Lumière plus douce ici, venant de la gauche pour la direction principale, et de la même façon fort débouchage à droite, on voit bien tous les détails du visage.
7.
Encore une fois un élément de jeu (spot sur la voiture) est utilisé pour dynamiser la lumière. Les Marines sont éclairés par au dessus (ombres à la verticale) et très certainement aussi par devant de manière très diffuse pour déboucher (voire le pan de décor à gauche cadre, très éclairé par une lumière venant du haut). Et bien sûr de la fumée partout.
8.
Même système d’éclairage des visages : une direction marquée (contre jour à gauche cadre) avec un fort débouchage, plus la petite lampe portable dans le plan, et on utilise la fumée de cigarette pour le faisceau : tout ce qui est dans l’image peut servir!
9.
Changement d’ambiance : Projecteur plus directionnel venant de la droite cadre, l’image est moins exposée (plus sombre) dans son ensemble et il y a plus de contraste. Et la lumière est cette fois-ci colorée, en jaune orangé. La scène est plus intime, se resserrant sur les deux personnages, la lumière focalise donc sur eux (on remarque que l’arrière plan n’est pas éclairé avec cette dominante orange, pour isoler les personnages du décor).
10.
Même dominante et éclairage plus dur, mais avec un débouchage pour la face gauche du visage quand on passe en gros plan.
11.
Utilisation du tube fluorescent, qui apparaît vers cette époque et est utilisé partout. Ici il est même inclus dans le plan et l’intrigue, c’est la seule et unique source de lumière dans cet étroit conduit. Lance Henriksen le porte par dessous (il aurait très bien pu le poser sur la valise devant lui), ce qui donne cet éclairage angoissant sur son visage (à ce moment du film, le personnage de Bishop reste très ambigu quant à ses intentions, ce qui est clairement souligné ici).
12.
Scène d’angoisse. De nouveau les plans sont nettement plus sombres que ceux du début du film, et Biddle a renforcé le contraste. Tout ici est éclairé en contre jour, avec utilisation de l’eau pour dessiner les faisceaux, et la présence en haut à gauche des tubes fluorescents du plafonnier. L’image est très chargée (décor, éclairages), multipliant ainsi les zones de danger potentiel.
13.
Autre scène d’angoisse, toute l’image est plongée dans le rouge. Sauf le faisceau de la lampe portative, resté blanc, et qui va attirer de fait notre regard, le guider. L’utilisation de la couleur rouge n’est pas innocent, c’est en effet la couleur dans laquelle l’oeil humain perçoit le moins de détails. Le scènes éclairées en rouge nous sont donc très difficiles à décoder et à suivre visuellement, et Biddle va jouer là dessus (d’autant plus que l’éclairage est très plat, très neutre avec fort peu de contraste et beaucoup de fumée pour enlever encore un peu de lisibilité au décor). Ici en y incluant un rayon blanc il guide instantanément notre oeil là où il le désire.
14.
Idem, éclairage rouge mais sans aucune lumière d’appoint non colorée, ce qui aplatit le plan, conjointement à l’utilisation de la longue focale.
15.
Encore une fois, Biddle introduit un spot de lumière blanche (même bleutée ici) dans le cadre pour « casser » l’à-plat rouge, faire suivre notre regard de Ripley à Newt vers la droite du cadre (Newt va ici les sauver en prenant le conduit d’aération).
16.
éclairage typique de Biddle, le contre jour venant du sol avec beaucoup de fumée, donc des rais de lumière très dessinés et cet arrière plan surexposé (comme le plan 1) – ce type de plan est complètement artificiel et peu crédible, c’est purement un effet esthétique qui est devenu depuis une convention totalement acceptée par le spectateur. Ici le but est de rendre l’alien menaçant, en le découpant nettement tout en évitant d’en montrer trop de détail.
17.
Même procédé : contre jour venant du sol, fumée. Mais Biddle utilise ici un débouchage : il faut qu’on voit la créature dans son ensemble (la raison en est simple : c’est un effet spécial qui a coûté cher, c’est l’attraction du film, il faut le mettre en valeur et surtout ne pas le laisser dans l’ombre). Ce « débouchage » est placé plutôt en contre jour (un de chaque côté) pour jouer sur les brillances de l’alien. L’effet est repris en avant plan sur les deux personnages. La Reine paraît ainsi dominante et très inquiétante.
18.
nouvelle utilisation du contre jour avec fumée pour accentuer la puissance de Ripley (clairement iconographiée ici) mais avec une variante très intéressante et révélatrice : au lieu d’utiliser un débouchage devant pour que l’on voie son visage, Biddle se sert directement d’une lampe inclue dans le robot et qui n’éclaire donc que le visage de Ripley et laisse la silhouette du robot se découper en restant noire!
Boujour, je découvre votre Blog via un pote réal, et j’adore. J’ai une question, j’ai du mal à voir la différence fondamentale ds le rendu ds contrastes sur le visage entre la photo 3 de Ripley ici https://jeancharpentier.wordpress.com/2012/02/03/adrian-biddle-1/ censée être plus dur
Et celle-ci sur Kate blanchet photo 5 https://jeancharpentier.wordpress.com/2012/02/06/eclairage-doux-diffus-eclairage-dur-ponctuel/#comment-121 censée plus diffus
La différence de contraste est peut être plus marquée en comparant les films en BR ?
Bonjour et merci de vos encouragements!
Les ombres du visage de Kate Winslet (et non Cate Blanchett) dans ce plan de Revolutionnary Road sont plus denses (=noires) que celles sur le visage de Sigourney Weaver dans Aliens (plan 3 donc) puisque dans ce dernier cas l »actrice bénéficie d’un « débouchage » à gauche, soit un projecteur qui éclaire cette partie de son visage (on distingue nettement la peau de la joue gauche qui est assez claire alors que la joue droite de Winslet est totalement noire).
Ceci étant ne pas confondre le contraste et la qualité de lumière (=diffuse ou ponctuelle) : dans le cas d’Aliens c’est une lumière ponctuelle qui est utilisée (ombre nettes, visibles sur le visage du personnage en arrière plan) alors que dans le plan de Revolutionnary Road il s’agit de lumière diffuse (douce – la séparation entre ombre et lumière n’est pas nette et constiste plutôt en un dégradé progressif). Et cela n’empêche pas que le contraste soit plus fort dans le cas de Revolutionnary Road que celui d’Aliens, car dans le second cas Biddle rajoute un débouchage qui adoucit le contraste. Pour résumer, une lumière peut être diffuse (douce) et contrastée, douce et peu contrastée, ponctuelle (dure) et contrastée, ponctuelle et peu contrastée. Les possibilités sont infinies… Mais effectivement, la confusion est souvent faite entre « qualité de lumière » (=type de lumière) et contraste (=mesure de la différence entre les zones les plus sombres d’une image et les plus claires) qui sont deux paramètres différents.
J’espère que ma réponse est suffisamment compréhensible, n’hésitez pas à me demander plus d’éclaircissements si tel n’est pas le cas (et il faudra que je créé un article sur le contraste un de ces jours d’ailleurs…)
Merci encore!
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